Un vent frais nous glace les os. Il fait nuit noir. La lune est déjà couchée. Au dessus de nos têtes la brume couvre partiellement les étoiles. Devant nous s’érige cette énorme masse sombre qui perce les nuages : Le Mont Batur.
Une courte nuit avant l’ascension du Mont Batur
Alexandre, ami et ancien collègue, est venu faire un tour à Bali. C’est plein d’entrain que nous avons décidé de gravir ensemble le Mont Batur. Juchés sur nos scooters nous avons parcouru la veille les 70km qui séparent le sud de Bali de la caldera du volcan Batur. L’objectif : trouver une petite guest house pour une courte nuit et partir le lendemain matin vers 3 ou 4 heures pour l’ascension du volcan. J’en profiterai également pour rencontrer quelques guides et visiter des hôtels à recommander à nos futurs voyageurs. Partir tôt nous permettra de profiter du lever de soleil au sommet. Le Mont Batur est un volcan à double caldera. Une caldera (ou caldeira) est un cratère volcanique de forme circulaire ou elliptique de plusieurs kilomètres de diamètre. Celle du volcan Batur fait environ 14Km. Dans le cratère se trouve un lac, le lac Batur, ainsi que des sources d’eau chaude et quelques hôtels, et le mont Batur, un volcan dans le volcan, qui culmine à plus de 1700 mètres !
A la conquête du volcan Batur
Il est maintenant 4h30 du matin et nous avons beaucoup moins d’entrain que la veille. Le guide que nous avions rencontré hier et qui nous semblait très professionnel a passé la main à un petit jeune qui ne semble pas bien parler anglais et un grand à l’air un peu nigaud et aux dents proéminentes. Avec nous, 6 touristes. américains ou néozélandais, on ne sait pas trop, mais ils ont un fort accent. Il fait froid, je suis fatigué, on ne voit presque rien…Nous marchons en file indienne. Le chemin est visible devant nous grâce à toutes les lampes torches des touristes partis plus tôt.
– Oh ! you not have shoes ? (Oh ! vous n’avez pas de chaussures ?)
Le guide m’interpelle. Il a un air étonné et inquiet. Je regarde Alexandre. Alexandre regarde le guide. Le guide regarde mes pieds. Je regarde mes pieds. Je regarde le guide.
– No, but it’s ok, no worries. (Non mais ça va aller, ne vous inquiétez pas.)
Depuis que je suis à Bali je n’ai pas pris le temps d’acheter des baskets ni des chaussures de marche. Bref, c’est donc en claquette que je me suis rendu au pied du mont Batur, et c’est en claquette verte pomme que je compte le grimper en toute impunité.
– But it’s dangerous. Many rocks falling. And difficult walk. (Mais c’est dangereux. Beaucoup de pierres tombent. Et la marche est difficile.)
« Oui mais les rolling stones, je connais et ça ne me fait pas peur. Je suis bon marcheur et je n’ai pas besoin d’équipement » pensais-je alors moqueur et encore mal réveillé…
Dix minutes plus tard, alors que je remets mon écharpe et ne regarde plus le chemin, je glisse sur un rocher, mon pied glisse de la claquette et finit sa route sur une pierre volcanique. Ça picote, ça saigne, et mon égo en prend un bon coup. Je n’ose pas regarder, je sers les dents et continu comme si de rien n’était. L’ascension ne fait que commencer…
Un peu plus loin quelqu’un dirige le faisceau de sa lampe torche droit dans mes yeux et m’aveugle. Pas encore très bien réveillé, je pense d’abord à la BAC. Mais non, on est en Indonésie. J’essaie de m’écarter mais le faisceau me suit. « Coke coke ». Ça m’inquiète. J’essaye de passer mais l’individu insiste et se met en travers de mon chemin brandissant un objet oblongue à bout rouge. Tout de suite rassuré, je lui souris et refuse poliment. Je n’ai pas soif et n’aime pas beaucoup le Coca Cola.
L’ascension continue tant bien que mal rythmée par des pauses régulières. Le chemin devient de plus en plus escarpé et de plus en plus raide. Nous marchons parfois dans du sable noir, et puis ce sont de grosse roches volcaniques qu’il faut grimper. Je pense à mes parents qui ont la soixantaine. Ils devraient pouvoir réussir ce genre d’ascension. En revanche mes grands parents n’y arriveraient sans doute pas, ni mon petit cousin de 5 ans.
Lever du soleil au sommet du volcan
Le ciel s’éclaircit petit à petit. Il est bientôt 6 heures. Mon pied ne me fait plus trop mal, le sang a coagulé et colle mon orteil à la claquette. Pratique. Plus que quelques mètres et nous y sommes. Au sommet, une petite cabane en bois a été construite par des balinais qui préparent thé et bananes frites. Nous sommes à l’Est de l’arête du cratère. Une cinquantaine, peut-être cents touristes sont déjà là, certains dévorant un petit déjeuner et d’autres prenant des photos.
Rouge, violet, bleu. Le ciel se pare de couleurs magiques. Derrière de gros nuages blancs cotonneux s’élève doucement le soleil. Il se reflète dans la mer que nous apercevons au loin. En contrebas, les eaux du lac Batur dansent sous la caresse du vent. Au sud s’élève le mont Abang surveillé de prêt, par le majestueux Mont Agung. A l’Ouest, la mont Batukaru et ses voisins Catur, Tapak et Pohen. A nos pieds, le cratère central, et tout autour la caldera du volcan Batur où l’on distingue des coulées de lave noir solidifiée au milieu d’une végétation éparse. C’est beau. C’est imposant. On sent vivre la terre et vibrer la nature.On ne peut que se taire, observer, et sourire.
La découverte du cratère au coeur du volcan
Petit à petit les touristes redescendent. Nous avons prévu de ne pas redescendre par le même chemin, mais de faire le tour du cratère. Nous laissons nos 6 compères et partons avec le plus jeune des deux guides qui devient de plus en plus volubile. Nous marchons sur l’arête qui fait parfois que quelques centimètres de large, avec une pente abrupte à droite et le cratère à gauche. Notre jeune guide, Dude, nous montre une roche d’où s’échappe de la vapeur.
– Look. Here, you can cook egg and banana. (Regardez, ici vous pouvez faire cuire des oeufs et des bananes).
J’approche la main et manque de me brûler. Le volcan est encore en activité. Devant, nous apercevons, sortant des parois intérieures du cratère, des nuages de vapeur que j’avais confondus avec de la brume. Au fur et à mesure que nous avançons le long de l’arête, les paysages semblent revêtir plus de couleurs, plus de grandeur, plus de magie. Arrivés de l’autre côté du cratère, nous entamons la descente. Elle est bien plus rapide et distrayante que la montée. Nous nous amusons à glisser sur le sable noir, finissant sur les fesses. Nous retrouvons finalement nos scooters à 9h30.
Notre guide fut d’une grande aide et nous avons apprécié ses services. Je regrette mes aprioris négatifs sans doute encouragés par la fatigue matinale et l’enveloppe nocturne. Mon pied est un peu amoché mais je survivrais. Je déconseille fortement de faire l’ascension du mont Batur en claquette. Faites ce que je dis, pas ce que je fais 🙂 Quoique il en soit, l’ascension du célèbre mont Batur à Bali reste une étape que je recommande notamment si l’on souhaite faire un trek en Indonésie !
Retrouvez le récit de l’ascension d’autres volcans en Indonésie :
– Le Mont Merapi
– Le Kawah Ijen