Nous donnons la parole aujourd’hui à Matthieu, expert voyage chez Shanti Travel, parti en immersion dans les tribus de Papouasie à la fin de l’année 2019.
Aujourd’hui je vais essayer de vous raconter mon voyage en Papouasie effectué en Novembre 2019 avec Shanti Travel. Je n’ai pas vocation à être écrivain ou explorateur et vais donc modestement essayer de vous transmettre ce que nous avons vécu. Ce n’est pas simple tant les mots me manquent pour décrire cette expérience inoubliable.
J’ai eu la chance de faire ce voyage pour accompagner un départ en petit groupe de 7 voyageurs, organisé par Shanti Travel et encadré par le photographe Patrick Frilet.
Je dois bien l’avouer, ma connaissance des Asmat avant ce voyage se limitait aux multiples histoires que l’on entend à propos de Michael Rockefeller, ce fils de milliardaire américain mystérieusement disparu dans la région en 1961…
Après un début de séjour dans l’archipel des Raja Ampat puis la visite de Jayapura et de ses environs nous embarquons à bord d’un Twin Otter 12 places privatisé pour l’occasion afin d’effectuer la liaison Timika – Agats. Après 45mn de vol au-dessus de la jungle nous débarquons sur le tarmac de l’aérodrome et empruntons un bateau à moteur pour rejoindre Agats, la plus grande ville de la région et notre lieu de villégiature pour les 4 prochaines nuits. Nous avons décidé d’explorer les villages en bateau la journée et revenir dormir à Agats tous les soirs afin d’avoir un minimum de confort puisque notre hôtel, même s’il ne possède pas l’eau chaude et que les toilettes sont au seau, est propre et dispose de la climatisation. Nous sommes accueillis au ponton principal d’Agats par des enfants qui jouent nus dans la mer et semblent être les plus heureux du monde. Nous sommes l’attraction et ils sortent de l’eau à notre arrivée pour nous observer de plus près, on sent bien qu’ils ne voient pas souvent de touristes. Agats est une ville entièrement construite sur pilotis qui regroupe 20.000 personnes environ et attire de nombreux indonésiens en quête de travail. La ville est sale mais tous les moteurs y sont interdits (pas de voiture, scooters électriques uniquement), ce qui la rend calme et la promenade y est agréable.
Après une première nuit à Agats nous partons en bateau en direction du village d’Uwus Bow. Nous sortons du port, naviguons en pleine mer en longeant la côte et croisons quelques pécheurs avant de nous enfoncer dans une des nombreuses ramifications du réseau de canaux qui serpentent dans la mangrove. Nous sommes en bateau depuis 2h environ, nous avons mal au dos et des fourmis dans les jambes lorsque nous voyons un bateau avec un homme en tenue locale. Une fois qu’il nous a vus, ce messager part vers le village prévenir de notre arrivée pendant que nous continuons à nous enfoncer dans la jungle au ralenti…
Nous entendons alors des bruits au loin : des tambours et des cris. Et puis soudain nous voyons apparaitre une première pirogue …puis une seconde et une troisième, et ainsi de suite. Alors que nous sommes concentrés sur ces bateaux qui viennent se placer derrière nous nous entendons des bruits devant. Nous nous retournons et nous rendons compte qu’il y a autant de bateaux qui arrivent à l’avant. Nous sommes encerclés et ne savons pas où donner de la tête, les bateaux se rapprochent et le volume sonore augmente. Chaque bateau est occupé par plusieurs hommes et enfants en tenue traditionnelle qui crient, tapent leur pagaie contre leurs barques et nous dévisagent. Les hommes sont torse nu, habillés d’un short, d’un poignard en os de casoar attaché autour du bras et de nombreux colliers en coquillages. Ils ont tous des motifs sur le corps dessinés avec une poudre blanche à base de coquillages écrasés. Les shorts détonnent mais on nous explique que les missionnaires catholiques ayant converti ces villages dans les années 50 leur ont interdit de se balader nu comme ils le faisaient. Nous comptons 48 bateaux au total ce jour-là. Nous sommes sous le choc. Certains des voyageurs pleurent, nous avons tous des frissons. Ici nous savons que nous sommes attendus et en toute sécurité grâce à nos guides locaux expérimentés, mais nous pouvons facilement imaginer la sensation des étrangers qui arrivaient ici il y a quelques années, lorsque les villages étaient encore cannibales et beaucoup moins accueillants qu’aujourd’hui.
Les femmes, quant à elles, nous attendent sur la berge en dansant devant la maison des hommes, cette grande pièce faite de bambou et d’écorces. La maison des hommes justement, c’est le centre du village, là où les décisions sont prises et où nous nous installons après la cérémonie d’accueil. Nous sommes autour du feu, les chefs du village jouent du tambour, fument des cigarettes, font la sieste et discutent de l’avenir du village. Notre guide nous sert de relais pour échanger avec eux. Après ce moment de partage dans la maison des hommes nous allons faire un tour dans le village et dégustons leur met le plus fin, préparé pour l’occasion : le ver de sagou vivant. De retour à Agats en fin de journée nous sommes tous abasourdis par la journée incroyable que nous venons de vivre, mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Les jours suivants nous repartons explorer les environs avec des arrêts dans les villages de Per (1h30 de bateau depuis Agats), Pau (3h) et Beriten (2h). Chaque village a ses spécificités et sa manière de nous accueillir, tantôt avec une cérémonie des bateaux (Uwus Bow et Per) et tantôt avec une cérémonie des tambours (Beriten). A Pau, le village le plus éloigné d’Agats que nous ayons visité, ils ne sont pas prévenus de notre arrivée et sont donc occupés à leurs activités habituelles lorsque nous arrivons. Ils nous regardent avec des airs surpris et, après discussion avec le chef du village, nous comprenons mieux pourquoi : ils n’ont pas eu d’invité blanc depuis la fin des années 90 ! Lorsque nous nous baladons dans le village les femmes nous suivent, aussi curieuses elles que nous. Je n’oublierai jamais leurs regards. L’une d’elles pleure à notre départ, le moment est d’une intensité folle.
Après quelques jours dans cette région, sans connexion ni contact avec l’extérieur, nous avons l’impression d’avoir quitté le « vrai monde » depuis des semaines, voire des mois…
Un tel voyage est très compliqué à organiser en terme de logistique et les contraintes sont nombreuses (les trajets sont longs, les conditions de voyage basiques et la nourriture peu variée) mais l’expérience est unique. Ces difficultés permettent de préserver la région du tourisme de masse, et c’est tant mieux.
Les Asmat sont l’une des tribus principales de la Papouasie avec les Korowai et les Dani. C’est justement chez cette dernière que nous irons l’an prochain, toujours accompagnés de l’objectif de Patrick.
Magnifique live d’explications sur facebook le 8 avril 2020 !
merci