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Entretien avec le photographe et activiste Julien Goalabré : trouver la beauté dans les déchets à Bali

Nous avons rencontré Julien Goalabré  un français originaire de Bretagne qui vit à Bali et s’engage pour la protection de l’environnement à travers de nombreuses actions, notamment en organisant le Festival TrashStock. Photographe et amoureux de la nature, il partage avec nous sa vision insolite et artistique des déchets ainsi que son activisme dans les projets de développement durables.

On dit que les activistes et les ONG agissent pour concrétiser leurs croyances ; quelles sont les vôtres ?

Planète – Personnes – Profit. Je ne suis pas un grand croyant des ONG en tant que telles bien que j’y travaille mais mon but est de resserrer l’écart entre le bien-être des personnes et leurs obligations pour notre planète, mais aussi que les ONG se tournent plus vers le concept de socio-entreprise, et que les entreprises se détournent un peu plus du “tout profit” … Bref, faire en sorte que tout ce petit monde se retrouve à un point d’équilibre où l’on agit autant pour son bien personnel que collectif. Faire des bénéfices, oui, mais sans exploiter ni les employés ni notre environnement.

A Bali pourquoi vous associe-t-on aux photos de déchets ?

Avec mon ami Hendra Arimbawa, nous organisons depuis 2015 le Festival TrashStock qui a vocation à promouvoir la conscience écologique auprès de la jeunesse balinaise par le biais de créations artistiques. J’y expose mes photos sur le thème de la pollution par les déchets. … Cette année mon projet personnel met en exergue les cerfs-volants en plastiques échoués. Après trois ans en Australie où les amendes sont lourdes et les poubelles partout, j’ai été choqué à mon arrivée ici par les décharges sauvages que l’on trouve par endroits. Le Festival TrashStock 2017 est dédié au tourisme durable à Bali car c’est l’année choisie par l’Organisation Mondiale du Tourisme des Nations Unies pour promouvoir ce thème et favoriser son développement. Les acteurs du tourisme ont de fantastiques opportunités d’apporter un changement positif ! Nous avons choisi ce thème car les jeunes Balinais désirent travailler dans le tourisme et doivent protéger leur futur professionnel.

Quelles sont les actions des artistes de TrashStock contre la pollution par les déchets ? Quel est l’accueil du public ?

La plupart des artistes recyclent du plastique pour créer de l’art. En plasticology, avec des sachets de lessive ou de café collés sur du contreplaqué, ils font des peintures. Les enfants adorent! Les artistes leur apprennent à composer leurs propres chefs d’œuvres. Ils fabriquent aussi des lampes, des sacs, des balais, etc à base de bouteilles plastiques. D’autres, y compris moi-même, s’inspirent de cette thématique pour la photographie. Sans oublier les peintres qui sensibilisent les balinais à la pollution plastique, exprimant à coups de pinceaux l’urgence d’y remédier. Nous avons un super accueil du public et surtout, des encouragements à renouveler le festival chaque année !

Comment l’art peut-il sensibiliser à la conscience environnementale ?

Grâce à l’art on fait de la psychologie inconsciente. En effet, la pollution est partout, et on a tendance à s’y habituer mais une fois présentée en tant qu’art, le regard qu’on lui porte est différent. Ce que l’on normalisait devient un questionnement du conscient. Un arbre au bord de la route n’attire pas l’attention, mais le même arbre en plein milieu de la route va pousser les gens à le voir, l’observer, et (normalement) le contourner. C’est une forme d’éducation informelle. Parfois cela a plus d’impact que les classiques “il ne faut pas faire ci ou ça car cela pollue”, des messages que les habitants ont du mal à mettre en pratique.

Donc vous êtes artiste et activiste à la fois ; en quoi allier les deux vous apporte-t-il satisfaction ?

Tout à fait, je suis les deux. Quand je vois certains lieux à Bali pollués par les déchets cela me met hors de moi. Cependant j’essaie de me rappeler que le plastique est encore relativement nouveau pour ici … et que l’éducation prend des décennies. Notre mission est de faire ce qui est en notre pouvoir pour que les choses évoluent. Quand je constate que la population se met à recycler du plastique pour leurs créations artistiques, leurs objets utilitaires, ou encore mieux changent leurs habitudes de consommation … je suis fier de l’impact significatif de nos actions !

Qu’est-ce qui fait qu’un festival mettant à l’honneur le plastique soit si attractif pour le public ?

Ce n’est pas vraiment la cause qui interpelle les jeunes, qui les font venir à TrashStock. Car nous visons ceux qui ne sont pas encore conscients du problème, c’est sur eux qu’on opère un changement de mentalité marquant. Nous avons recours à la popularité des groupes locaux pour aimanter le public. Les messages de sensibilisation se font de façon directe par le biais de messages directs, mais également indirectes via l’art. Nous leur montrons aussi qu’il y a de l’argent de poche à se faire en revendant les déchets plastiques à nos entreprises partenaires telles que Re>Pal ou Eco Bali Recycling, ou bien par la vente de produits en plastique valorisé. La préoccupation écologique n’est malheureusement pas leur priorité. Gagner de l’argent de poche, mais s’acheter des vêtements ou du crédit smartphone, ça l’est !

Comment financez-vous le Festival TrashStock ?

Nous fonctionnons principalement grâce sponsoring d’entreprises locales mais une importante partie de notre financement provient également des dons provenant de notre campagne de financement participatif. A ce titre je me permets de lancer un appel aux dons, grâce auxquels le festival pourra avoir lieu : https://chuffed.org/project/festivaltrashstock2017

Les organisateurs ainsi que les artistes sont tous volontaires car c’est par amour pour leur île qu’ils souhaitent la protéger de la pollution plastique. Parmi eux, certains étaient déjà engagés lorsque je les ai connus. Tandis que d’autres, ont eu cette prise de conscience grâce à nos actions, ce qui leur a ensuite donné envie de se mettre à l’œuvre pour épauler ce projet car le concept les inspirait.

Par quoi avez-vous été inspiré pour photographier des ordures, et au passage … dites-nous comment rendez-vous joli quelque chose de moche ?

Tous les jours en allant au bureau, je passais le long d’une rizière aux abords jonchés d’ordures plastiques. Un jour je l’ai prise en photo et j’y ai apporté une touche artistique. Devant l’intérêt que cette photo a créé, j’en ai fait une spécialité. Le challenge est de transformer quelque chose de laid, dont beaucoup se détournent pour l’ignorer, en quelque chose de plaisant à regarder qui j’espère fera réfléchir. La partie cognitive du cerveau réagit en effet différemment quand il s’agit d’art. Mon outil principal est Photoshop via la technique simple de calque. En faisant ressortir le plastique sur un fond noir et blanc, le problème saute aux yeux !

Cette année je me focalise sur les cerfs-volants en plastique. A Bali perdure une tradition spectaculaire de cerfs-volants en tissu et ceux-ci ne posent pas problème. Mais les enfants les imitent avec des cerfs-volants en plastique peu coûteux et de moindre qualité. Lorsque la ligne de pêche au bout de laquelle ils sont attachés casse, ils s’échouent dans les arbres, sur les fils électriques, dans les rizières, à la plage, sur les toits et trottoirs … Personne ne les remarque plus tellement on s’est habitués à les voir un peu partout, pourtant ça ne devrait pas faire partie du décor !

 

Ils ont voyagé avec notre agence de voyage en Asie Shanti Travel

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