Shanti Travel

Découvrez Lionel Prado grâce à notre fondateur, Alex Le Beuan

Lionel Prado explore à pied, en canoë ou encore en auto-stop des territoires du monde très peu humanisés, en marge du monde globalisé. À l’aide de son appareil photo, de son carnet de bord et de sa caméra, Lionel immortalise le monde sauvage et la capacité de cohabitation entre les rares femmes et hommes à y vivre et leur environnement naturel préservé. 

En plus de ses publications, Lionel partagera avec vous sa passion pour la photo, la nature, et les humains qui l’habitent, au cours d’un nouveau voyage immersif, dans le Mercantour, en partenariat avec Shanti Travel.

Alex Le Beuan, fondateur de Shanti Travel, a été envoûté par le travail de Lionel, et vous propose de faire sa connaissance.

 

Quel est ton parcours ?

J’ai 30 ans, et j’ai suivi un parcours ‘’classique’’ d’études supérieures en informatique. Je ne me retrouvais pas vraiment dans ces études, et en parallèle, j’ai pris goût à la photographie, j’ai d’abord travaillé la technique pure puis rapidement cela m’a amené à travailler la notion de “sauvage”. La nature me passionnait déjà quand j’étais tout jeune et la photographie m’y a reconduit.

Je sentais bien que l’idée de poursuivre une ‘’carrière’’, de ‘’réussir socialement’’ n’était pas pour moi, pourtant je n’imaginais pas alors vivre de mes photos.

Et puis un jour, je suis parti avec un ami pour randonner dans la vallée des Merveilles, dans le Parc du Mercantour durant 3 jours. La, ça a été le déclic ! L’expérience de pleine nature, d’immersion en haute montagne, le plaisir de photographier ce magnifique environnement. Ça a aussi été l’occasion de me replonger dans l’histoire de ma famille, car mes arrières grands-parents étaient paysans dans le haut-pays Niçois. Dès lors, dès que j’ai pu, je suis parti découvrir les vallées reculées du Mercantour à pied, avec mon appareil photo, en autonomie, pour me reconnecter à la nature et à mes racines. Finalement, malgré ma passion pour la photo, celle-ci devenait un prétexte pour marcher librement, découvrir des animaux et ressentir le bonheur de me sentir partie intégrante de la nature.

Massif du Mercantour – Mélèzes dans l’intensité de l’automne ©Lionel PRADO

J’ai été beaucoup marqué par le film ‘’Into The Wild’’, je me suis identifié au personnage de McCandless car c’est un peu ce que je vivais dans ces moments là dans les montagnes. La confrontation entre la société où tout est sous contrôle et la nature sauvage où tout peut arriver. Je réalisais combien le rapport énergie – expérience était immense en marchant dans ces lieux. La fatigue est tellement vite récompensée par des paysages incroyables, une faune & flore riche et variée, un environnement d’une grande sérénité.  

Chamois au petit matin – Alpes (France) ©Lionel PRADO

 

Et puis du Mercantour, tu as souhaité explorer d’autres territoires, plus lointains ?

Oui, j’adore le Mercantour, mais je souhaitais me confronter à des montagnes différentes, et, très inspiré par l’Himalaya grâce notamment au travaux photographiques et cinématographiques d’Eric Valli [réalisateur, entre autres, de ‘’Himalaya, l’Enfance d’un Chef’’], j’ai commencé à préparer un projet de voyage là-bas.

Une fois diplômé, j’ai travaillé 18 mois dans une agence de communication pour économiser, et en parallèle j’ai monté un projet de cinéma ‘’Introspection’’. À la sortie de mon film, j’ai quitté l’agence où je développais des sites internet et je suis parti 1 mois au Népal pour découvrir à pied la région du Manaslu : un premier trek dans l’Himalaya sur plusieurs semaines qui m’a donné un élan pour développer ma passion et la connexion au monde vivant. Je me suis alors orienté vers la relation entre les humains, les animaux sauvages et les territoires.

Au retour, j’aspirais déjà à y retourner mais plus longtemps pour approfondir la notion de cohabitation entre les peuples traditionnels et les prédateurs endémiques de ces territoires (loup du Tibet et panthère des neiges).

J’ai présenté ce projet à la Fondation Iris et j’ai été lauréat de la bourse IRIS en 2016 [bourse attribuée par la Fondation Iris – Terre Sauvage & Vincent Munier], pour réaliser ce reportage Nature.

La bourse et mes économies en poche, je suis parti 3 mois au Ladakh, pour découvrir les ‘’basses’’ vallées de la région du Sham, habitées par des agriculteurs-pasteurs-anciens caravaniers aujourd’hui sédentaires, et la région des hauts plateaux du Changtang, à la frontière tibétaine, habités exclusivement par des nomades. Durant ce voyage, j’y ai observé mon premier loup, après avoir trouvé une carcasse de yak, et fait des affûts sur plusieurs jours. La rencontre avec le loup fût un moment extraordinaire : en fin d’après-midi,  le loup est arrivé, sur la crête, où il s’endort finalement sans suspecter ma présence, alors que la pleine lune fait son apparition. Inoubliable.

Sur le plateau du Changtang, au Ladakh (Inde) ©Lionel PRADO

 

En quoi ce voyage au Ladakh t’a-t-il transformé ?

Au Ladakh, la relation des Hommes à la nature est encore très forte. Les ladakhi cultivent encore quasi exclusivement de manière traditionnelle (pas de pesticide et utilisation de la charrue avec les yaks pour retourner la terre), ils ne semblent pas avoir traversé la quête de confort absolu que nous avons vécu en Europe. Leur mode de vie traditionnel est encore très préservé. Tout le monde a son potager, même à Leh, la capitale. Et la connexion à la nature reste très présente. Les voyageurs qui sont venus marcher dans ces vallées reculées ont sans doute aidé les habitants du Ladakh à continuer de considérer la nature et les animaux sauvages comme une richesse. La tradition spirituelle bouddhiste est elle aussi un atout pour respecter le monde vivant. Un jour, un éleveur nomade du Changtang m’a dit : ‘’Le loup n’a que ses dents pour se nourrir contrairement à nous qui avons tant…’’, alors que le loup venait de lui manger une bête.  Mon rapport à la nature a changé grâce à cette expérience au Ladakh. J’ai ressenti plus encore que nous humains faisons partie intégrante de la nature et qu’encore aujourd’hui, des peuples le perçoivent ainsi.

Rencontre avec le loup du Tibet – Ladakh (Inde) ©Lionel PRADO

 

Après le Ladakh, direction le Grand Nord canadien

Oui, ensuite je suis parti avec un coéquipier d’aventure au Yukon [Nord-Ouest du Canada] durant 3 mois, pour un projet que j’ai nommé “S’abandonner au sauvage”, inspiré par l’expérience ‘’Into the Wild’’ je souhaitais me confronter à une nature totalement sauvage. On a d’abord descendu durant 3 semaines une rivière perdue, au milieu de la forêt boréale en totale autonomie, le but étant d’être en immersion totale dans la nature, hors contexte humain, pour nous confronter à cette Mère Nature ultra préservée de l’Homme, et rencontrer des prédateurs, tels que le Grizzly et le loup. 

Cette expérience fut d’abord difficile, car très vite nous nous sommes retournés en canoë, et nous avons eu peur. La rivière comportait de nombreux rapides, et on devait parfois porter le canoë et les vivres en raison du peu de fond du cours d’eau, et l’idée de se retrouver nez à nez avec un ours nous rendait fébrile. Et puis, petit à petit, on a appris, on s’est habitué à notre environnement, on a respecté les règles, on a développé l’humilité, on a lâché prise aussi, car là-bas tu peux mourir par inattention ou parce que tu rencontres un ours, donc on a d’autre choix que de se considérer soi même faire partie de cette rivière, de cette forêt. Sur les 500 km de descente, on n’a croisé aucun humain, mais de nombreux animaux, dont 2 ours noirs sur les berges de la rivière. En plus des vivres qu’on avait apportés, on pêchait pour nos repas, avec parfois des cueillettes de baies sauvages en compléments. Dans le but de se nourrir de produits frais mais surtout pour développer cette connexion au vivant. 

Yukon, une aventure en canoë (Canada) ©Lionel PRADO

Ensuite on est parti en stop jusqu’en Alaska et en route on a exploré des territoires reculés à pied, à la découverte des aurores boréales. On a entendu des coyotes hurler dans la nuit, observé des aigles mais aussi des ours pêcher des saumons dans les rivières.

Au Yukon, les habitants sont très connectés avec la nature, beaucoup d’entre eux chassent pour manger et pratique la trappe comme autrefois. Un jour on a rencontré un vieux trappeur qui chasse ses 70 lynx par an pour vendre la fourrure : outre le fait de vivre de la fourrure, j’étais un peu choqué, car c’est la moitié de la population de félins que nous avons en France dans les Vosges et le Jura (population française estimée à 150 individus). C’est là qu’on voit que ces territoires sont encore d’une grande richesse. Le rapport Homme-Nature est très différent de l’Europe, car les hommes sont très peu nombreux et les animaux en grand nombre au Yukon, d’une superficie grande comme l’Espagne.

De ces deux voyages en mode “Slow Travel”, j’ai réalisé deux reportages engagés pour la Nature, l’un pour Terre Sauvage, et l’autre pour Grands Reportages.

Pygargue à tête blanche (Alaska) ©Lionel PRADO

 

Qu’éprouves- tu en marchant en pleine nature?

C’est un ralentissement, une charge mentale qui s’amenuise au fil des jours, pour se connecter à l’essentiel. On se retrouve soi même, on n’est plus limité par les autres et la société, on est libre, on s’exprime librement et on se reconcentre sur ses sensations et les éléments. Il y a une connotation spirituelle dans la mesure où on oublie le formatage matérialiste lorsqu’on marche longtemps en pleine nature…

 

Plus récemment tu as réalisé un film, ‘’Introspection’’, dans le Massif du Mercantour

 Oui, c’est parti d’une musique composée par mon frère Hoenix, qui s’appelle ‘’Introspection’’. On a décidé d’en faire un film, on a monté une petite équipe. J’incarne le personnage du film, qui fait référence à cette reconnexion à soi même et à la nature a travers un cheminement dans la région du Mercantour.

 

 

Est ce l’ultime bonheur que de vagabonder seul en immersion dans la nature ?

Cette phase de solitude dans la nature me permet de mieux savoir qui je suis et ca fait un bien fou. Et le retour au monde humain est bon aussi. Justement, après ce film, j’ai reconnecté avec les humains à travers les festivals qui ont projeté ‘’Introspection’’, et me confronter à mes semblables est bien sûr important et enrichissant.

  

Tu as aussi travaillé sur la relation Homme-Nature en France, sur les modes de vie alternatifs ?

Oui, j’ai réalisé différents reportages sur des personnes qui ont choisi de vivre plus connecté à la nature, entre autres, j’ai suivi une famille d’éleveurs/bergers dans les Alpes du Sud, qui croit au partage du territoire avec le loup.

Souvent les habitants du coin sont anti-loups car depuis plus d’un siècle, le loup a été éradiqué de leur région par les générations passées, alors que les personnes venant d’autres régions, plus jeunes et conscients des enjeux environnementaux actuels acceptent le fait que le loup soit là à leur arrivée, en partie parce que l’environnement est nouveau pour eux et n’a pas la même histoire que pour les locaux. 

La cohabitation en France, que ce soit avec le loup ou l’ours, est une problématique très complexe, je pense que le passé culturel et historique de la France y joue pour beaucoup…

Les cabanes en Corrèze chez la Désobéissance Fertile (France) ©Lionel PRADO

 

Désormais, tu souhaites développer ton travail plutôt en France, pourquoi ?

Travaillant sur la sensibilisation de la nature et du sauvage en général, j’essaie d’être au plus raccord avec mes valeurs. La cohérence dans mon travail est très importante pour moi, ça peut d’ailleurs me bloquer pour lancer des projets. 

Je ne pourrai pas dire ‘’protégeons la nature et derrière consommer n’importe comment’’. Je pense que quand on travaille sur des problématiques de fond liées à la nature, on se doit d’incarner les changements nécessaires à sa protection. Sinon, autant faire un autre métier. Même si en tant qu’humain on ne peut plus ne pas avoir d’impact sur la nature, on peut déjà chercher à le réduire. Cette recherche de sens m’a amené à m’intéresser à la vie en collectif, à l’autonomie alimentaire, à la permaculture et à étudier les possibilités de vivre en pleine nature. C’est des thématiques que j’explore depuis plus d’un an dans divers reportages dans une série nommée “Alternatives”.

Ces reportages m’ont donné envie d’approfondir ce travail sur la relation Homme-Nature et m’ont aussi poussé à chercher plus de cohérence entre mon travail et ce que je vis au quotidien.

Je suis retourné au début du printemps dernier au Ladakh pour le tournage de mon prochain film mais j’ai dû interrompre le voyage au bout de trois semaines en raison du Covid. De retour en France, confiné et bloqué entre 4 murs en appartement, l’idée de m’installer dans la nature s’est accélérée. J’ai mis en priorité le changement de mon mode de vie : mettre en application tout ce que j’ai observé pendant mes reportages, ce que des hommes et des femmes m’ont appris, que ce soit au fin fond de l’Himalaya ou en France… Je souhaite à présent passer moi-même à l’action pour me créer un cocon à l’image des gens extraordinaires que j’ai pu rencontrer au cours de mes voyages… cette connexion à la nature et au monde vivant.

Je ne trouve pas cohérent de me retrouver à vivre en ville, dans un appartement, ne pas gérer ma nourriture, mon électricité et mon eau, après être parti en pleine nature avec peu de confort pour un reportage. À terme, je veux développer mon autonomie alimentaire en France, surement dans les Alpes, mais pour l’instant, je m’aménage un Van, qui me servira de ‘’maison minimaliste’’, le temps de trouver un lieu de transition, avec un terrain pour y créer un potager en permaculture et une grange à rénover, pour y vivre une vie au maximum connectée à la nature et autonome, tout en étant ouverte sur l’extérieur. 

Christophe avec son chien Malock, maraicher dans les Alpes du Sud (France)  ©Lionel PRADO

L’idée de voyager loin est de nouveau bien là, mais à un rythme moins soutenu, et pour de longues périodes, pour des projets mûrement réfléchis… Je crois d’ailleurs à l’avenir du voyage Slow… pour moi mais pas seulement. Je pense que le Slow Travel va se développer car de plus en plus de voyageurs souhaitent s’immerger dans un territoire et laisser une empreinte la plus minime possible. On sait très bien aujourd’hui que prendre l’avion a un impact négatif sur l’environnement. Revenir au local, ou voyager moins souvent et plus longtemps, avec des moyens de transports responsables comme la marche, le kayak, la voile, le cheval,… je pense que c’est déjà une première étape. Revenir au local et prendre le temps sur une destination lointaine plutôt que de faire le tour du monde en quelques jours. 

 

Et quels sont tes projets professionnels ?

J’ai écrit et commencé à tourner un film qui se nomme INCARNATION (suite d’Introspection) au cours des derniers mois, et j’aimerais raconter une histoire qui parle de cette confrontation entre mon appartement en ville, mon voyage dans l’Himalaya et ma quête d’un lieu en pleine nature dans les Alpes du Sud. L’idée est de créer une passerelle entre les peuples de l’Himalaya et les communautés qui reviennent à la terre en France. Ce retour à la terre qui m’inspire tant, le reste sera à découvrir, j’espère l’année à venir. Je n’en dis pas plus 🙂

Je vais aussi accompagner des voyageurs en partenariat avec Shanti Travel pour photographier à pied, en autonomie, durant plusieurs jours des territoires de Montagne françaises qui me sont chères !

Pour tout savoir sur le voyage en immersion dans le Mercantour aux côtés de Lionel Prado, c’est par ICI

Nuit étoilée, Ladakh (Inde) ©Lionel PRADO

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